Par Alain Boucly
L’ affiche de cette nouvelle édition du Retro C Trop promet beaucoup, avec une programmation du samedi bien dans l’esprit de ce festival, composée de groupes légendaires qui ont marqué l’histoire du Rock. En effet, il est rare de retrouver sur une même scène les précurseurs du glam Rock avec Slade, les pionniers du Hard Rock avec Deep Purple et les inventeurs du Space Rock avec Hawkwind, sur la route depuis 1969 ! Les anglais se faisant rares sur notre territoire, nombreux étaient ceux qui avaient fait le déplacement à Tilloloy pour vivre ce moment avec la bande à Dave Brock. Malheureusement, il n’en fût rien, car à peine arrivé sur le site, une information circule au sujet de l’annulation du concert, suite à la panne de leur tour bus. Celle-ci se trouve d’ailleurs confirmée peu de temps après par l’organisation.
De plus une météo capricieuse viendra perturber le début d’après midi, les premières gouttes se faisant ressentir lors de la prestation de Slade. Mais cela n’empêche pas la formation, emmenée par le chanteur / guitariste Dave Hill, seul rescapé du quatuor original, d’enchaîner les hits qui ont contribué à leur renommée internationale. Comment ne pas vibrer au sons des ces titres fédérateurs tels que « Coz I Luv You » ou « Gudbuy T’Jane », ou encore l’incontournable « Mama Weer All Crazee Now », connu pour avoir été repris par une multitude de groupes à travers le monde (The Runaways, Gary Glitter, Quiet Riot, Mama’s Boys, Doogie White…) Mais le mythe en a encore sous le pied pour envoyer « My Oh My » et « Cum On Feel The Noize » en conclusion d’un set qui a tenu toutes ses promesses.
Phil Campbell a également un passé glorieux, car il fut le guitariste de Motörhead de 1984 jusqu’à la fin du groupe en 2015, consécutive au décès de Lemmy. Mais Phil a décidé de faire vivre cet héritage en poursuivant l’aventure avec ses fils, en créant le combo Phil Campbell And The Bastard Sons. Et il n’y a rien de plus efficace que les riffs du guitariste gallois pour incarner cet esprit Rock n’Roll, en partageant les brûlots incandescents du trio qui a marqué les 4 dernières décennies. Vous l’avez compris, c’est un show complet en hommage à Motörhead, auquel le public massé en nombre devant la scène aura la chance d’assister, les compositions du groupe ayant été occultées. Le puissance d’« Iron Fist » d’entrée de jeu met tout le monde d’accord, tout comme les classiques « Ace Of Spaces » et « Killed By Death » ! Les reprises bien senties de « God Save The Queen » des Sex Pistols et « Heroes » de David Bowie seront les seules exceptions du set, mais je retiendrais surtout ce joyau qu’est « Silver Machine ». En l’absence d’Hawkwind ce soir, ce fut une excellente idée d’interpréter cet hymne créé en 1972, lorsque Lemmy était membre de cette institution britannique du Space Rock entre 1971 et 1975. En guise de bouquet final, le très convaincant « Overkill » envoi du lourd, comme l’ensemble d’une prestation qui restera gravée dans la mémoire des fans.
Remplacer Hawkwind s’avère compliqué, d’autant que trouver un groupe ayant le même statut dans un délai aussi court relève de la mission impossible. Du coup, autant faire monter sur la scène principale Laid Back Country Picker déjà sur place, car initialement prévus pour jouer sur la petite structure. Laid Back Country Picker se compose d’un couple au look particulier, avec une batteuse qui se fait remarquer par sa tenue rose et ses bigoudis ! Son mari, chanteur et guitariste, monopolise l’attention autant par son style que par son humour décapant. La formation américaine, originaire de West Virginia, délivre ses compositions originales, dans un registre country blues, idéales pour passer un bon moment. Il faut reconnaître la qualité musicale de l’interprétation, remplie de nuances, au style accessible et apprécié par le plus grand nombre. Ce fut un moment intense pour Laid Back Country Picker de se retrouver ainsi propulsé sur cette mainstage devant une foule aussi compacte ! Et cerise sur le gâteau le soleil est de retour !
Les circonstances ayant quelque peu perturbé le running order, le passage de Uuhai est décalé de presque 2 heures. Il faut dire que le groupe originaire de Mongolie arrivait directement du Hellfest, après avoir foulé la scène de la Temple à 12h15 ! C’est donc à 20h30 précises que Saruul, Zorigoo, Shinetsog-Geni, Battuvshin, Batbayar, Dailaitseren et Otgonbaatar investissent la superbe scène du Retro C Trop. Et là, la magie opère ! Ce mélange de sonorités folk, metal et Rock prend aux tripes, grâce au relief des compositions qui alterne entre les ambiances plombées et celles plus aérées. La spécificité de la culture musicale mongole est liée à l’emploi d’instruments traditionnels tels que le Tovshuur (guitare mongole), le Morin Khuur (vièle à tête de cheval), et le Tumur Khuur (harpe à mâchoires). Ajouté à cela de gros riffs et une rythmique de folie emmenée par un batteur déchainé et un percussionniste qui martèle ses futs comme si sa vie en dépendait, et vous obtenez une dynamique qui vous transporte littéralement. La Preuve avec « Kar Khulz », morceau fédérateur s’il en est, qui démontre toute sa qualité mélodique liée à une énergie sans faille. L’audience est véritablement conquise par Uuhai, devant un show aussi spectaculaire et abouti d’un groupe qui a su partager son univers musical et culturel.
Après Scorpions, ZZ Top, Alice Cooper ou encore Status Quo, c’est au tour d’un autre dinosaure du Rock de se produire en tête d’affiche sur le site de Tilloloy. Deep Purple est accueilli par une fosse quasiment blindée, captivée dès les premières notes de « Highway Star ». Comment ne pas être aux anges devant les membres fondateurs d’un des plus grands groupes de tous les temps ! C’est un vrai plaisir de voir le souriant et efficace bassiste Roger Glover, d’apprécier la finesse de la frappe de Ian Paice, le seul ayant participé à tous les albums et tournées depuis la création du pourpre profond (1968) et de se délecter du timbre vocal si unique de Ian Gillan. Même si les capacités de ce dernier sont un peu plus limitées, notamment dans les intonations les plus aigües, il faut bien reconnaitre qu’il a su adapter la set list à son registre vocal actuel, tout en gardant les titres incontournables qui ont contribué à la légende du groupe. Les classiques « Lazy » et « Space Truckin » passent à merveille, remarquablement servis par un son d’une rare pureté. Mais Deep Purple, loin de réciter en « pilotage automatique » les mêmes morceaux à chaque tournée, a su innover en intégrant quelques pépites comme « Anya », « Hard Loving Man » ou « Into The Fire ». Ajouté à cela le retour aux sources matérialisé par les nouveaux titres « Portable Door », « Bleeding Obvious » extraits de leur dernier opus « =1 », et vous obtenez une alchimie toujours aussi remarquable. Même Don Airey se fait moins discret qu’à l’accoutumée, triturant son orgue Hammond jusqu’à en sortir les notes les plus alambiquées, se rapprochant ainsi du maitre Jon Lord. Mais la pièce maitresse de Deep Purple reste la guitare, dont de nombreux accords ont marqué des générations. Et de ce côté, il faut bien avouer que l’arrivée de Simon McBride il y a tout juste 2 ans en remplacement de Steve Morse, a redonné un nouvel élan au groupe. Son jeu à la fois fin et précis, valorisé par un feeling remarquable, n’est pas sans rappeler celui de Ritchie Blackmore, rien que ça ! L’intro de l’incontournable et très attendu « Smoke On The Water », résonne dans le parc du château, et c’est parti pour le dernier titre du show, au cours duquel la foule donnera de la voix en reprenant le refrain en chœur, pour un dernier frisson… Mais c’était sans compter sur les 2 rappels, « Hush » et « Black Night », envoyés par une formation sur laquelle le temps n’a pas de prise, et dont les émotions transmises resterons inoubliables.
Malgré la pluie en début d’après-midi, et les aléas de dernière minute, le Retro C Trop reste une référence en matière de festival à taille humaine. Mention spéciale pour le choix de ces artistes de renom ayant marqué leur époque, ce qui représente un sacré challenge, relevé avec brio par l’organisateur. Sans oublier l’accueil de toute l’équipe dans ce cadre exceptionnel, permettant de vivre une belle expérience que l’on prendra plaisir à renouveler en 2025 !
Merci à Ginger Prod, Philippe et Anne pour l’accréditation
Report : Alain Boucly
Galerie photos par Alain Boucly
Slade :
Phil Campbell & The Bastard Sons :
Laid Back Country Picker :
Uuhai :
Deep Purple :