Bonjour Renaud, et merci de prendre un peu de temps afin de répondre aux questions pour Ride The Sky.
L’album « Symphönïk Kömmandöh » est sorti depuis le 16 février 2018. Comment t’es venue l’idée d’enregistrer un album symphonique ?
Renaud Hantson : L’album est avant tout la rencontre après un concert à Aix-en-Provence en janvier 2016 avec Florent Gauthier, musicien et professeur au Conservatoire, ayant la double culture du Rock et du Classique. Florent s’est présenté avec le même second degré et cynisme que moi en affirmant être « l’idée brillante que j’attendais pour ne pas mettre un terme à Satan Jokers ». Je me suis reconnu dans cette attitude au 20ème degré et ai tout de suite embarqué sur le projet puisque c’est la première fois qu’un groupe de Metal francophone ose la rencontre improbable et tendancieuse entre deux univers aussi opposés que le Rock et le Classique. J’aime bien l’idée que Satan Jokers fasse certaines choses avant d’autres “collègues” du circuit !
Comment s’est déroulé l’enregistrement ? Cela n’a pas du être simple de déplacer tout un orchestre !
Renaud Hantson : L’enregistrement des parties symphoniques s’est fait dans le Sud de la France sous la direction de Florent qui a fourni un travail incroyable de relecture des titres. Initialement il ne pensait pas diriger les musiciens classiques mais juste écrire les partitions pour les arrangements de l’orchestre mais celui auquel il pensait l’a planté à quelques jours de l’enregistrement alors il a procédé autrement et a géré entièrement la production de la partie symphonique…
Nous avons tous réenregistré nos parties musicales et pour ma part il n’y a que 5 titres que je n’ai pas refaits vocalement car je n’aurais pas obtenu mieux que ce que j’avais enregistré sur les albums d’origine.
As-tu rencontré des difficultés à réarranger les morceaux d’origine pour les adapter à ces nouvelles versions ?
Renaud Hantson : J’ai laissé à Florent une totale liberté. Un boulot de passionné tel que celui de Florent est un cadeau dont je ne pouvais pas me passer. J’ai un peu la sensation d’avoir été légèrement extérieur jusqu’à mes enregistrements de voix et de ne m’être investi qu’au moment des options de mixages.
L’esprit initial est toutefois conservé. Es-ce une volonté délibérée de ta part pour ne pas trop désorienter les fans ?
Renaud Hantson : En effet, je ne voulais pas quelque chose de chargé pour l’auditeur. J’avais véritablement envie que cela soit une valeur ajoutée pour les chansons et pas simplement un délire de musicien. C’est le genre de rencontre incroyable qui aboutit à un projet dingue, le genre d’album qu’on ne fait qu’une fois dans une vie !
Vas-tu jouer cet album sur scène ? Et seras-tu accompagné par l’orchestre au complet ?
Renaud Hantson : Nous avons déjà joué une partie des titres sur scène au dernier Satan’s Fest grâce à des mixages isolés de l’orchestre. Nous souhaiterions réitérer l’expérience car cela est vraiment intéressant, quant à savoir si nous pourrons réunir 40 musiciens classiques sur une même scène avec nous, rien n’est moins sûr malheureusement…
C’est marrant, « Symphönïk Kömmandöh » pourrait être le titre d’un album de Magma, un des rares groupes français ayant plus de 50 ans de carrière ! Y as-tu pensé ?
Renaud Hantson : Evidemment ! Nous pensions au départ appeler l’album « Symphonic » puis Aurel a proposé de mettre à K à la fin à la place du C à l’allemande car la plupart des compositeurs classiques écrivaient dans la langue de Goethe ou en Italien. Dans cette idée, j’ai ajouté le mot « Kömmandöh » et les trémas mais c’est en effet en hommage à Magma et à son batteur-leader Christian Vander. Le génial Vander qui chante dans une langue qu’il a inventée, le Kobaïen, avait mis dès 1970 des trémas sur les O et les I. Je me suis inspiré d’un des extraordinaires albums de son groupe, cet album s’intitulait « Mekanïk Destrüktïv Kömmandöh », paru bien avant l’existence de Motörhead ou Mötley Crüe…
Peux-tu revenir sur tes débuts dans la musique, tes influences et les diverses orientations prises au cours de ta carrière ?
Renaud Hantson : A l’époque des débuts, j’étais un jeune homme un peu naïf et arrogant. Je ne savais pas ce qu’il adviendrait par la suite de mes rêves et de mes envies. Mais, en même temps, avec Laurent Bernat (RIP), le bassiste avec qui j’ai monté Satan Jokers, nous étions fermement décidés à faire évoluer certains codes établis dans le Hard Rock et c’est ce mélange de divers styles qui a fait dire à quelques journalistes que nous avons inventé la Fusion Metal… Je ne me doutais pas que 35 ans après la parution de notre premier album, mon expression « Les Fils du Metal » serait toujours utilisée comme signe de ralliement entre adeptes du Hard Rock. Quand j’entends des gens se dire entre eux « ça va fils du Metal ? » ou se décrire eux-mêmes comme des « fils du Metal », ça me fait sourire car je sais que les plus jeunes d’entre eux ne savent pas d’où vient l’expression et qui en est l’inventeur, c’était plutôt une bonne trouvaille en fait !!! (rires)
Après avoir arrêté en 1985, qu’est-ce qui a motivé la reformation de Satan Jokers en 2009, avec une date au Hellfest à la clé ?
Renaud Hantson : Un organisateur de festival voulait avoir Satan Jokers en tête d’affiche. Pour m’approprier une phrase de Paul Mc Cartney à propos de John Lennon quant à une éventuelle reformation des Beatles, j’avais toujours dit que je ne remonterai jamais Satan Jokers tant que Laurent Bernat serait mort ! Pascal Mulot, qui était également un ami de Laurent, m’a proposé de monter un nouveau line up de Satan Jokers. Devant son enthousiasme et son envie, je me suis alors lancé lors de l’enregistrement d’un premier titre intitulé « Voodoo » sur le « SJ 2009 ».
Peux-tu nous expliquer d’ou vient le nom Satan Jokers ? Y a t’il un rapport avec le satanisme ?
Renaud Hantson : Il vient du nom de deux gangs de bikers américains. J’étais fasciné par ça. J’ai lu le bouquin « Hell’s Angels » d’Hunter S. Thompson. J’ai fait la contraction des Satan Slaves et des Gypsy Jokers, deux bandes des sixties. Je m’attendais pas à être ami un jour avec l’un des principaux Hell’s Angels parisiens, à jouer pour eux de temps en temps, même, et à ce qu’on développe un respect mutuel.
Comment cela se passait à l’époque avec les autres groupes, Blasphème, Trust, Sortilège… ? Y avait t’il une rivalité ou c’était l’entente cordiale?
Renaud Hantson : Disons que c’était une rivalité cordiale (rires). Je suis toujours ami avec Christian Augustin de Sortilège, je croise avec plaisir Nono de Trust. C’était une époque sympathique. Tout semblait peut-être aussi plus simple dans les années 80, de nombreux groupes partageaient l’affiche. Les gens achetaient des disques, se rendaient dans les salles de concert, on avait envie d’y être.
Avec le recul, que penses-tu de l’évolution du business, du milieu metal en France?
Renaud Hantson : Je me sens un peu comme un “Parrain du Metal”, façon Don Corléone immortalisé par Marlon Brando ! (rires) Lorsque j’organise le Satan’s Fest, les groupes qui y participent viennent souvent me demander un avis sur leur musique et c’est toujours un plaisir de pouvoir les aider et les conseiller. Je trouve bien que certains se battent pour que le Métal français ne meure pas même si j’ai parfois la sensation que tout a été fait en matière de musique Rock depuis les années 70. Le trio anglais Led Zeppelin, Deep Purple et Black Sabbath et pour les américains Aerosmith et Grand Funk Railroad ont tout inventé. En bon fils du Metal que je suis, Satan Jokers a juste fait évoluer quelques codes en ajoutant des touches de Jazz Rock et de Pop au Hard Rock émanant des 70’s, ce qui a fait dire à certains journalistes, et pas les moindres, comme je l’ai dit plus tôt, que nous avions inventé la « Fusion Metal » !… C’est toujours très flatteur à caser dans une interview et ça va bien avec la soi-disant légendaire mégalomanie du groupe !!! (rires)
Quels sont tes projets et comment vois-tu l’avenir avec Satan Jokers ?
Renaud Hantson : Si quelqu’un d’autre me propose une idée aussi brillante que celle d’un album symphonique, alors je fonce ! (rires) Laurent Karila me harcèle depuis près de deux ans avec un concept album sur la « fracture sociale » vue d’un point de vue plus tordu que le commun des analystes politiques alors j’ai appris à ne jamais dire jamais !…
Je donne toujours des cours les mercredis et vendredi avec des élèves passionnés. J’ai un peu réduit mon nombre de batteurs, cet instrument demandant beaucoup de rigueur et d’investissement à ceux qui veulent en jouer. On me dit que, cette année, je donne mes meilleurs cours depuis un moment. Je crois que c’est parce que cela me motive vraiment de transmettre à des gens qui se montrent intéressés et réceptifs et qui souhaitent apprendre un Art, quand d’autres à la TV préfèrent devenir des stars avant le travail que cela implique pour le mériter…
J’ai simplement envie de laisser une trace dans cet univers musical tout en gardant la liberté d’être un artisan de la musique. Je voudrais voir se monter mon opéra rock « Rock Star » sur scène et continuer à défendre ce que Michel Berger, qui reste un mentor et un père spirituel pour moi, appelait « la bonne musique ». C’est ce que je fais le moins mal dans ma vie et qui semble toucher le public qui me suit. Je n’ai donc pas encore envie que cela s’arrête mais c’est vrai qu’une solide agence de spectacles ou une bonne production de concerts aideraient franchement mes divers projets et faciliteraient leur exposition, trouver les bonnes personnes en ce domaine est donc ce qu’on peut me souhaiter de mieux, avec la santé !
Pour terminer, as-tu un message pour les lecteurs de Ride The Sky?
Renaud Hantson : Comme le chantait Ronnie James Dio dans Rainbow je dirais juste : « Long live Rock n’ Roll » !
Merci à Roger Wessier / Replica, pour avoir rendu cet entretien possible.