Interview Glen Sobel (Alice Cooper / Hollywood Vampires) Heavy Week-End – Nancy 23 juin 2024

Publié : 16 septembre 2024 par Alain B. dans Interviews, Musique, News
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Interview Glen Sobel (Alice Cooper / Hollywood Vampires)

                                                                                                 Par Laurent Bendahan – Photos Alain Boucly

Inside The Studio

Cela fait près de quinze ans que Glen Sobel bat la mesure pour le maitre du rock théâtral et horrifique. Place à notre sympathique batteur, rencontré à Nancy au festival Heavy Week-End en Juin dernier. Au menu, sa première expérience de studio avec Alice…

Le dernier album en date d’Alice Cooper, « Road« , est un petit événement en soi car pour la première fois, Alice a décidé de convier son groupe live à la session de studio. Habituellement, ce genre de job est assuré par des musiciens de session. Comment as-tu vécu cette expérience ?

Je n’ai pas été surpris car je savais que ce moment viendrait. Tout s’est déroulé naturellement. À peine sortis de tournée, nous avons enchainé sans attendre par des séances de studio à Nashville. C’est pourquoi nous avions l’impression d’être encore sur la route, d’où le nom de l’album. L’idée de base était simple, enregistrer tous ensemble en live, dans la même pièce. C’était très excitant car spontané. Nous n’avons répété qu’une petite journée avant l’entrée en studio. La plupart des morceaux ont été concrétisés au fil de l’eau et n’ont bénéficié que d’une ou deux prises. Cela parait peu mais notre producteur Bob Ezrin n’aime pas tergiverser. Il veut que tout soit parfait dès la première prise.

Que se passe-t-il dans ces conditions lorsqu’un instrumentiste se plante ? Est-ce que c’est toute l’équipe qui est pénalisée ?

Non bien sûr ! Lorsqu’on enregistre ensemble, la batterie et la basse sont prioritaires. Si un guitariste se plante, il refait sa prise ultérieurement. Les solos sont également enregistrés en dernier lieu, en overdub. Étrangement, beaucoup de parties de chant étaient enregistrées avant même que nous ne commencions à jouer. Nous avons dû bosser au métronome sur un chant préexistant. Le procédé est étrange mais il a fonctionné.

Dans ce groupe, as-tu la liberté de jouer tout ce qu’il te passe par la tête ?

Oh non, certainement pas ! Je dois toujours me conformer à la volonté de Bob, ce que je comprends parfaitement car c’est lui en tant que producteur, qui a la vision d’ensemble du projet. Il a tout en tête, jusqu’au moindre petit arrangement de piano. Bien entendu, personne ne sait à l’avance à quoi ressemblera le résultat final. Il est le seul à le savoir. Tout cela pour dire que dans mon métier, il faut suivre le producteur sans se poser de question.

As-tu au moins une vision précise de la structure des morceaux avant l’entrée en studio ?

Oui car les compositeurs auxquels nous faisons appel (comme Kane Roberts, Tom Morello, Keith Nelson) ont l’habitude de nous envoyer des maquettes enregistrées avec une boite à rythme ou une simple boucle. Mais encore une fois, c’est Bob qui guide. S’il estime qu’il faut faire des changements de dernière minute, nous suivons les nouvelles instructions.

Bob est-il batteur ?

Pas exactement. Il est avant tout claviériste. Mais il sait ce qu’il a envie d’entendre en matière de batterie. Cela fait des décennies qu’il est dans le métier. On peut vraiment lui faire confiance.

Tu dis souvent qu’avant une session, tu fais en sorte de te « sur-préparer ». Qu’est-ce que cela signifie exactement ?

Si l’on se place dans le contexte de cet album, lorsque j’ai reçu les maquettes, je ne me suis pas contenté d’apprendre les structures par cœur. J’ai aussi tenté d’anticiper sur les options qui pouvaient se présenter afin d’être force de proposition. En effet, il n’y a pas une mais des milliers de façons d’interpréter une chanson. Le studio est un environnement stressant où le temps est compté et où les imprévus sont légion. Plus on anticipe, plus ont est à même de s’adapter. Prévoir les imprévus fait partie de mon job.

Contre toute attente, tu es aussi crédité en tant que choriste…

Oh il ne faut pas en faire toute une histoire. Je n’ai fait que participer aux chœurs d’ensemble du groupe. Ça consistait à crier dans le micro. Ça va, c’est dans mes cordes ! (Sourire)

Que pourrais-tu dire sur tes camarades de Jeu :

Nita Strauss (Guitare) : C’est une vraie metalleuse dotée d’une épatante technique de shred. J’adorais la voir en live lorsqu’elle jouait avec le tribute band The Iron Maidens. Sur « Road », elle est à l’origine de «The Big Goodbye», une super chanson, la plus metal de l’album ! Tout comme moi, c’est une musicienne très consciencieuse qui se prépare énormément en amont.

Tommy Henriksen (Guitare) : Je le connais depuis trente ans ! Nous avons très souvent collaboré avant de jouer pour Alice. Il est aussi un excellent producteur. C’est lui qui en 2010 m’a permis d’intégrer le groupe d’Alice. Il s’agissait à l’époque de réenregistrer des classiques tels que «School’s Out».

Chuck Garric (Basse) :Il est l’un des plus fidèles musicien d’Alice. Il joue avec ce dernier depuis vingt ans ! Il est à fond dans le trip « rock n’roll ». Il vit et respire le rock par tous les pores. Il aime les chansons simples, directes et sans compromis.

Ryan Roxie (Guitare) : Il talonne de près Chuck en matière de longévité dans le groupe d’Alice. Certes il a fait un break à la fin des années 90 pour élever ses gosses, mais il est fidèle au poste depuis 2012. Il a style de guitare très reconnaissable. Il est de plus un excellent choriste. Ceux qui le connaissent savent qu’il est chanteur lead dans la plupart de ses autres projets. Il est un support harmonique incontestable en complément de la voix d’Alice.

Ton jeu est très visuel, avec notamment ces jongleries complètement dingues que tu déploies sans jamais perdre le tempo. Que conseillerais-tu à ceux qui veulent emprunter cette voie ?

Je conseillerais avant tout d’évaluer la situation dans laquelle vous êtes. En effet, j’ai vu tant de batteurs faire ce type de démonstration alors que le show ne s’y prêtait pas du tout. Les concerts d’Alice sont des spectacles théâtraux compatibles avec les jeux visuels. Si vous avez à jouer du r’nb, abstenez-vous de trop en faire.

Dans le domaine de la jonglerie, il y a ce batteur incroyable, Zoltan Chaney qui accompagne Vince Neil en solo. Impossible de faire plus démonstratif. Il donne même des coups de pieds dans ses cymbales !

Ah Zoltan ! C’est un bon ami à moi. Il est un show à lui tout seul. La première fois que je l’ai vu jouer, j’ai trouvé sa prestation si sauvage ! Jamais je n’avais vu ça auparavant. Certains lui reprochent de trop attirer l’attention et de faire de l’ombre aux autres musiciens. Mais je ne partage pas cet avis, et Vince non plus. En matière de rock, tout ce qui peut distraire le public est bon à prendre.

Et maintenant la question délicate. Que feras-tu lorsqu’Alice aura décidé de se retirer de la scène ?

Il a 76 ans mais lorsqu’on lui pose la question au sujet de sa retraite, il répond qu’il est prêt à continuer jusqu’à 90 ans. Je dois t’avouer que je ne pense pas à l’avenir car je suis hyper occupé entre Alice et Hollywood Vampires. C’est un boss formidable qui délivre des prestations de qualité à chaque concert. Il est de plus d’humeur égale tous les jours. J’ai déjà eu à travailler avec des artistes si lunatiques qu’on se demandait chaque jour à quelle sauce il nous mangerait. Pour toutes ces raisons, je préfère savourer le moment présent aux côtés d’Alice.

Tu dois souvent recevoir des propositions de sessions live ou studio. Quels sont tes critères d’acceptation d’un contrat ?

En premier vient ma disponibilité. Ensuite je m’intéresse aux personnes impliquées dans le projet. Le troisième critère est l’argent car je dois gagner ma vie. Il ne faut jamais négliger le business. En ce qui me concerne, je n’ai pas de manager. C’est donc moi qui négocie mes contrats. Enfin je possède mon propre studio. C’est pourquoi je privilégie ceux qui me permettent d’enregistrer chez moi.

Y-a-t-il un style que tu refuses catégoriquement de jouer ?

Non ! Je pars du principe qu’il ne faut jamais dire jamais. Mon métier m’oblige à m’intéresser à tous les styles. Je n’aimerais pas un jour me retrouver comme à con à ne pas pouvoir maitriser une technique sur laquelle j’aurais fait l’impasse. Je dois rester au service des chansons et des compositeurs. Pour cela, je dois pouvoir déployer tous les outils possibles pour arriver au résultat escompté.

Quelle est ta technique de pieds préférée ?

Je suis profondément attaché au « Talon/pointe » (Ndlr : Ici, la pédale de grosse caisse est actionnée alternativement par le talon et la pointe du pied. Par cette alternance, elle permet un jeu rapide sans trop d’efforts).  C’est celle que j’enseigne systématiquement à mes étudiants. Parfois je tombe sur des jeunes récalcitrants car la maitrise du « Talon/pointe » est un processus de longue haleine, pour ne pas dire chiant ! Mais je ne lâche jamais le morceau en tentant de leur démontrer l’intérêt d’une telle technique, qui ne réside pas dans la vitesse d’exécution mais dans le son, et plus précisément dans l’accentuation des coups. Ce jeu est bien plus dynamique et prend tout son sens lorsqu’on joue du rock ou du blues. Toutes les autres techniques ont un rendu bien trop linéaire. D’ailleurs, je demande à mes élèves de développer la même technique au charleston.

Tu fais allusion à ces jazzmen ou ces batteurs de disco capable de faire des ouvertures de charleston sans les mains, usant simplement du « talon/Pointe…

Exactement ! On appelle ça le « splashy opened and closed hi-hat ».

Penses-tu qu’avec une bonne technique de « Talon/Pointe », on puisse se passer d’une double pédale ?

Non, les deux sont complémentaires. Lorsque je dois jouer des plans vraiment rapides aux pieds, je passe en double pédale. Je n’utilise alors que la pointe du pied. Lorsque je dois m’attaquer à des rythmes nécessitant plus de groove et de swing, je passe en « talon/pointe ».

Te produis-tu toujours en Masterclass ?

Oui, il est d’ailleurs prévu que j’en fasse à la fin de l’été, une fois la tournée américaine d’Alice terminée.

Quel message principale tiens-tu à transmettre à ton public dans ce cadre ?

Tout dépend du type d’audience. On ne s’adresse pas aux élèves d’une école de musique comme on s’adresserait aux clients d’un magasin de musique. Tout dépend aussi des questions qui me sont posées. La plupart des gens demandent des conseils pour bien réussir sa séance de studio, ou pour partir en tournée dans de bonnes conditions. Certains me demandent aussi comment jouer tel pattern. Mes masterclass sont avant tout interactives. C’est pourquoi je ne débarque jamais avec une liste de choses à dire et un programme préétabli. Bon, je dois avouer que je ne peux m’empêcher de parler de « talon/pointe », de « rimshot » (Ndlr : L’attaque d’un fut simultanément sur le cerclage et la peau, puissance garantie) et de « ghost notes » (Ndlr : Tous ces coups très légers, à peine audibles, qui contribuent au groove, joués autours des coups principaux). Ce sont les fondements de mon jeu.

Que penses-tu de la technique de « gravity blast » utilisée dans le metal extrême, permettant de réaliser des roulements à une main ?

C’est une très vieille technique de jazz originellement appelée « free hand technic » et popularisée dans les années 90 par Johnny rabb. Pour moi, elle n’est utilisable que dans un contexte intimiste comme un club par exemple, car elle n’est pas assez puissante. Il ne me viendrait pas à l’idée de l’utiliser dans un show d’Alice Cooper. C’est le genre de plan que je fais en masterclass lorsque je me lance dans un solo. Dans ce contexte, mes solos peuvent durer quinze minutes, je m’en donne à cœur joie. Avec Alice, ils sont bien plus courts et calibrés.

On connait ta passion pour Van Halen. Aurais-tu aimé participer à la tournée hommage organisée par Sammy Hagar ? C’est Jason Bonham qui tient les baguettes mais franchement, il aurait mieux fait de te choisir…

Ça aurait été vraiment géant. Mais un autre hommage à Eddie est actuellement en préparation. Il se pourrait que j’y participe. En tout cas, ce serait un honneur ! Alex Van Halen est un batteur si sous-estimé car son frère était l’objet de toutes les attentions. Il serait temps que les gens réalisent sa valeur.

Ce n’est pas gagné… Maintenant qu’Eddie n’est plus là, nous ne le reverrons plus jamais jouer de la batterie…

Effectivement, il n’a jamais joué sans son frère. Il est très strict là-dessus. De mémoire, personne ne l’a vu ne serait-ce que jammer avec d’autres musiciens. D’un côté je le comprends, mais d’un autre, je trouve ça dingue !                                                                              

Entretien : Laurent Bendahan – Photos : Alain Boucly

Merci à GDP et Olivier Garnier