Interview Alicia Fiorucci – Juin 2020

Publié : 9 juin 2020 par Alain B. dans Interviews, Musique, News
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Par Alain Boucly

Merci Alicia de participer à cet entretien, afin de découvrir les multiples facettes de ton univers musical et partager avec les lecteurs tes expériences, dont la dernière en date avec la sortie encore toute chaude de ton premier 45 tours sous le nom d’Alicia F!

– Afin de permettre au lecteurs de te découvrir, peux-tu te présenter ?

J’ai 31 ans et suis fan de Rock depuis l’âge de 11 / 12 ans. J’ai animé une émission Rock hebdomadaire d’une heure par semaine, sur une radio en Loraine, ma région natale, avant d’arriver sur Montreuil ou je vis actuellement. J’essaie de véhiculer les valeurs du Rock en mettant en avant mes influences et brandir cet étendard bien actuel d’un style qui a marqué les époques depuis plus de 50 ans. Je chante aussi un peu…

– Musicalement, quelles sont les premières écoutes qui t’ont marquées ?

Vers 12 ans, j’ai découvert Aerosmith avec le morceau « Jaded » extrait de l’album « Just Push Play », dont le clip passait sur MTV. ça a était une vraie révolution lorsque je suis tombé sur cette vidéo. Le visuel et le son me plaisaient tellement que je me suis précipitée sur un post-it dans le bureau de mon père, pour noter le nom ! C’est que qui a été l’élément déclencher de mon intronisation dans le milieu du Rock. Avec mes parents, nous habitions Villerupt à 60 bornes de Metz, ou se trouvait le premier disquaire, en l’occurrence la fnac, à l’époque ou il y avait encore un vrai choix de disques, avant que ça devienne un distributeur d’électro ménager! J’ai donc acheté « Just Push Play » d’Aerosmith, contenant ce fameux titre « Jaded », et ça a été le cataclysme musical, la révolution à tous les niveaux, que ce soit auditif et hormonal, pour être totalement honnête !

– Comment as-tu découvert ces groupes ? Qui t’as orienté vers le Rock ?

Après l’épisode Aerosmith, j’ai découvert d’autres groupes grâce à Radio 21, connue aujourd’hui sous le nom de Classic 21. Puis j’ai eu la chance de rencontrer Sam, un copain de mon père, qui, saisissant mon intérêt pour le Rock, m’a recommandé l’émission du dimanche matin de 9h00 à midi. Les plus grand classiques y sont diffusés, avec tous les groupes légendaires comme Led Zeppelin, les Who, The Kinks… Chaque semaine, j’allumais la radio afin de découvrir ces groupes, sans oublier de noter ceux qui me plaisaient. C’était aussi les débuts d’internet, un bon moyen pour approfondir les recherches sur les groupes que je venais d’entendre. Mais avec un forfait de 3h00 et les connexions aléatoires des premiers modems, ça n’était pas évident de monopoliser le PC familial. D’autant qu’à 13 ans, j’étais encore sous l’autorité parentale ! Cela a été la piste la plus marquante, avec l’ouverture d’esprit aux sonorités plus Rock, Hard Rock ou Heavy Metal, liée à ce que pouvait écouter mon père, mais c’est surtout son ami, beaucoup plus « branché », qui m’a vraiment aiguillé.

– Justement, pourquoi le Rock et pas un autre style ?

Déjà visuellement, c’est un truc qui me parle grave ! J’adore ce côté rébellion et rentre dedans du Rock. Le Rap par exemple ne me parle pas du tout, même si c’est « rentre dedans ». ça n’est pas de la musique, car il manque les vrais instruments ! J’adore voir un musicien en live, s’extasier, vibrer en jouant. C’est la vraie musique, vivante, contrairement à celle qui sort d’un ordinateur. Elle sort vraiment des entrailles, avec toute l’énergie que peut dégager le Rock. Rien de tel qu’une bonne missive qui envoie du bois pour te mettre de bonne humeur le matin ! Un bon AC/DC, c’est quand même sympathique !

– Y a t’il d’autres personnes qui ont compté dans ton évolution musicale ?

Oui, Marc Zermati, le créateur du label Skydog dans les années 70, et qui a été le premier à organiser le festival punk de Mont de Marsan en 1976 / 77. il a été essentiel dans ma découverte de ce style musical. Il y avait également une émission sur Canal Jimmy, chapeautée par Philippe Manoeuvre, qui s’appelait Rock Press Club (diffusé entre 1992 et 1999 ndr). Les sujets étaient développés par plusieurs chroniqueurs, lors d’un tour de table, en montrant des extraits vidéo. C’était une sorte de talk show version Rock, animé par Patrick Eudeline, Isabelle Chelley et Laurence Romance, toute cette nébuleuse de Rock & Folk, dont faisait partie Marc, qui collaborait au magazine avec la rubrique Docteur Z. J’adorais sa façon de s’exprimer, ce côté « rentre dedans » et provoc, pour m’ouvrir la voie sur le Punk et toute l’énergie liée à ce mouvement, représentée par Eddie And The Hot Rods, Dr Feelgood ou encore The Inmates. Il a énormément compté dans mon éducation musicale !

– Le Rock est un domaine très vaste, avec de nombreux genres dédiés, et diverses périodes durant lesquelles différents styles ont émergé. Je citerai par exemple, le Rock n’ Roll, le Rockabilly, le Punk, le Hard Rock, le Rock FM, Glam… Quel est celui que tu préfères, celui qui te fait le plus vibrer et pourquoi ?

Actuellement, la priorité est orientée vers le Punk, et ça n’est pas si réducteur qu’il n’y parait, avec juste 3 accords, bim bam boum et on y va… Sans compter les nombreux sous genres liés à ce style, très intéressants à explorer, ou on retrouve une certaine musicalité. J’apprécie également le Glam Punk, et naturellement mes racines Hard Rock classique et Heavy Metal. J’ai d’ailleurs des tatouages dédiés.

– La pièce la plus rare de ta collection ? Et celle à laquelle tu tiens le plus ?

C’est le premier 45 tours de Motörhead sorti chez Skydog ! (en 1978 ndr) Lemmy venait tout juste de se faire virer d’Hawkwind et forcément j’y tiens beaucoup, car c’est introuvable.

– Tu te souviens des titres ?

« White Line Fever » et « Living Here »

– Les concerts inoubliables ?
David Bowie fut un de mes premiers gros concerts, lors du Reality Tour 2003. je venais d’avoir 16 ans et ce concert s’est révélé mémorable ! Pour te faire un petit topo, j’ai pleuré 7 jours avant, tellement excitée d’aller le voir… Et à nouveau pleuré lors de « Ziggy Stardust » en rappel, car c’était la fin du concert, et j’ai pleuré 5 jours après car je m’imaginai ne plus le revoir ! C’était vraiment une dose émotionnelle très forte !
Il y a eu également Doro à Sarrebruck. Elle a une énergie sur scène qui est fantastique à voir. Elle fait preuve d’une générosité incroyable, que l’on ne retrouve pas chez beaucoup d’artistes. La plupart font leur job, en 1h00 « remballé c’est pesé » ! Doro vit à fond sa musique, a envie d’être avec son public, s’avance vers lui et ça me touche vraiment.
J’ai adoré faire le premier Sonisphère à Amnéville ou se produisait le « Big Four » avec Metallica, Slayer et Megadeth.

Récemment, j’ai eu l’occasion de revoir UK Subs, emmenés par Charlie Harper, et franchement, les vieux n’ont pas encore décidé de raccrocher les gants. ça fait plaisir à voir !

– Les rencontres qui t’ont le plus marquées et pourquoi ?

Il y a 2 ans lorsque j’ai rencontré Tony Marlow…

– C’est marrant, car c’était la question suivante !

Comme quoi, je n’avais pas vu les questions !

– Peux-tu nous parler de ta rencontre avec le Rocker Tony Marlow ?
Nous nous sommes rencontrés chez Marc Zermati ! Tony a vu que je chantais un peu, suite à des cours pris lors de master class, et m’a aiguillé pour faire de la scène. Si ça n’est pas marquant, je ne sais pas ce qui peux l’être davantage ! C’est quelque chose qui compte dans une vie !
La première fois où je me suis retrouvée au chant Lead, c’était dans un tribute à Chuck Berry pour le titre « You Never Can Tell », avec une chorégraphie « qui va bien » !

De fil en aiguille, le répertoire s’est étoffé pour arriver à 8 morceaux, dont quelques compositions.

– Tu viens de sortir ton premier enregistrement, sous la forme d’un 45 tours vinyle. Peux-tu nous le présenter et ourquoi avoir choisi ce format ?

C’était un peu prématuré de sortir un album tout de suite donc le format 45t était idéal pour une carte de visite. Le choix du vinyle a deux avantages : le son est meilleur qu’en CD et c’est un bel objet qui peut orner les collections de disques. L’album est en préparation avec des textes écrits par moi-même mis en musique par Tony Marlow.

– Que représente pour toi ce titre « My No-Generation » ? Est-ce un clin d’œil aux Who ?

La chanson est pour moi un exutoire au fait de ne pas se sentir en concordance avec ma génération. J’ai toujours senti un décalage entre mes centres d’intérêts, ma mentalité et ceux de mes pairs générationnels. Il s’agit donc d’un texte que j’ai écrit et dans lequel j’expose ce sentiment car pour moi, chanter des thèmes qui me sont proches est très important. Pour moi ça ne vaut pas le coup si ce que je chante n’est pas intimement lié. C’est évidemment un clin d’oeil aux Who que j’adore mais qui prend un peu le contre-pied.

« I Fought The Law » occupe la seconde face. Pourquoi avoir choisi ce morceau de Bobby Fuller, déjà repris par « The Clash, plutôt qu’un autre de ton répertoire live ?

J’ai choisi cette chanson car elle a fait partie des premières que j’ai interprété sur scène. De plus, j’adore son sujet. Puis j’ai aussi remarqué qu’il existait peu de versions féminine de cette dernière alors j’ai sauté le pas. J’ai toujours aimé cette chanson et toutes ses versions déclinées.  C’est un hymne, elle me prend aux tripes, quelque chose de viscéral. Des fois c’est inexplicable.

– Sur scène, tu te lâches complètement en étant véritablement survoltée. Comment l’expliques-tu ?
C’est le reflet de ce que je suis dans la vie, naturelle ! Il n’y a aucun calcul, laissant l’instinct s’exprimer, de manière animale en quelque sorte. Je me laisse porter par la musique, tout en essayant de communier avec le public, et passer un moment privilégié avec lui, en captant un regard par exemple. Ce sont des moments privilégiés qui sortent les gens de leur quotidien à l’occasion d’un concert. C’est également un spectacle, qui se doit d’être énergique, car c’est ce que j’ai envie de voir lorsque j’assiste à un concert. Je ne suis pas là pour assister à un truc mou, plombant ou tu te fais chier, il faut que ça bouge quoi ! Le live, c’est un moment de partage ou il faut tout donner. C’est vrai que j’adore me lâcher, étant désinhibée et sans pudeur !

Je trouve qu’il y a un retour vers des choses trop aseptisées, trop cadrées… Quant on voit Cherry Curry des Runaways en corset, bottes et porte jarretelles sur scène, c’est ça le Rock !

– Tes tenues sont parfaitement étudiées et ne passent pas inaperçues, valorisant en même temps la qualité de ton show et ta féminité. Est-ce ta véritable personnalité qui rejaillit sur scène ? Ou cette originalité s’inspire t’elle d’autres artistes ?
J’ai mon propre look, car il n’y a rien de tel que de faire preuve de créativité ! Après, je brandis cet étendard de la féminité, car pourquoi mettre un col roulé alors que l’on peut avoir un décolleté ! Et que tu peux porter une mini jupe sans être traitée de pute pour autant ! il faut arrêter avec ce genre de clichés, ça me saoule et ça m’énerve ! il y a un côté féministe là dedans… Fuck les standards, et assumes qui tu es sans te planquer. Sans rentrer dans le débat politique, la burqa n’est pas pour moi !

Mes tenues, pas toujours très couvrantes, sont aussi le reflet de ce que je suis dans la vie, et ne sont pas réservées exclusivement à la scène. Je les porte aussi bien pour sortir dans la rue, aller au restaurant, en concert.. Je m’en fous et n’ai aucun problème avec le regard des autres, et je les emmerde ! Pourquoi faudrait-il se mettre en jeans, basket, veste et col roulé parce que t’es une nana et que tu risques de te faire emm…. Justement, c’est tout l’inverse et contraire à mon éthique.

– Les vêtements sont également ton autre passion, notamment les matières et créations de Patrice Catanzaro. Pourquoi les apprécies-tu et que ressens-tu en portant ces tenues qui semblent faites pour toi ?

Patrice Catanzaro est un créateur de vêtements spécialisé dans l’univers fétichiste, et je suis plus ou moins lié à ce milieu. D’autant qu’avec ma morphologie d’1m54 pour 40 kilos tout mouillé, tu as du mal à trouver des vêtements qui te moulent le corps dans les enseignes classiques. Tandis que les vêtements de Patrice Catanzaro, en matière wet look, vinyle et latex, semblent fait pour moi, tellement je m’y sens bien ! Grâce à ces tenues, je peux m’exprimer librement, sans être comprimée. Oui, je me sens libre ! Après la liberté, ça n’est pas simplement des vêtements, c’est aussi dans l’état d’esprit. Ce sont des vêtements qui sont ultra féminins et qui rendent hommage au corps de la femme.

– Quel est ton avis sur le fait que les femmes soient minoritaires dans le Rock ?
Indépendamment du rock, je trouve que l’on met déjà des restrictions dans l’éducation des petites filles, en l’orientant dans des « cases » pour si disant la préserver, ce qui n’est pas le cas des garçons que l’on laisse davantage s’exprimer. Il y a donc un côté moins libre à la base, et l’on retrouve cet aspect dans la musique, avec davantage de musiciens que de musiciennes. Après nous sommes dans le Rock, avec le côté testostérone et rebelle qui le définit, ou l’éducation a pu jouer un rôle. Pour résumer, si il y a une nana dans le Rock, c’est qu’elle en veut vraiment ! Elle n’est pas là par hasard… Les exemples sont nombreux avec Joan Jett, Fabienne Shine, Cherrie Curry, Doro… Après il y a la nouvelle scène Metal symphonique qui se développe beaucoup, mais je trouve que l’on perd ce côté rebelle et provoquant qui est l’essence même du Rock, incarné par Wendy O’ Williams.

J’essaie simplement de transmettre ce côté Rock, avec tout ce qui va avec !

– Quel est a été l’impact de l’épidémie Covid-19 sur tes projets ?

Les impacts majeurs ont été l’annulation de nos dates de concerts mais aussi la date de sortie du 45T qui devait être pour début avril mais qui, au final, fut pour le 20 mai. Heureusement, avec Tony comme nous ne sommes pas des défaitistes on a rentabilisé cette période pour composer. C’est ainsi que 3 textes ont pris vie et que Tony leur a trouvé une mélodie. Ce qui, du coup, nous permet d’avoir 3 chansons supplémentaires au répertoire. On a hâte désormais de retrouver nos compères rythmiques, Fredo Lherm à la basse et Fred Kolinski à la batterie pour les travailler en groupe et aussi les planches car le public me et nous manque. Ce sont toujours de super moments de partages.

– Je te laisse le mot de la fin !

Vive la liberté et vive le Rock !

Encore un grand merci pour ta disponibilité et la sincérité de tes réponses.

Réalisation et photos © Alain Boucly