Interview Ten Years After @ Retro C Trop Festival 2016

Publié : 10 janvier 2017 par Alain B. dans Interviews, Musique
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Entretien & traduction: Sandrine CHATEL
Collaboration & photos live : © 2016 Alain BOUCLY

A l’occasion de la première édition du festival Retro C Trop à Tilloloy, Ride The Sky a rencontré 2 membres de Ten Years After avec le chanteur/guitariste Marcus Bonfanti et le batteur Ric Lee, pour un entretien exclusif.

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– Ten Years After a joué au festival de Woodstock en 1969, auriez-vous pensé atteindre cette longévité lorsque vous avez commencé ?

Ric : Ce n’est pas une question facile. Avant Woodstock, non, on pensait tous que ça allait être court. Mick Jagger avait dit la même chose quand il avait commencé, il faisait de petits concerts.

(à Marcus :) Tu as probablement pensé la même chose quand tu as commencé.

Marcus : Oui, on ne sait pas combien de temps ça va durer.

Ric : On ne sait pas, et à notre époque les groupes n’étaient pas connus pour durer longtemps. Les journaux disaient  »oh c’est juste une mode, ça passera, ils ne seront surement plus là dans 3 ans ». Mais je suis vraiment content que l’on soit encore là.

– Avec le recul, pensez-vous que votre carrière aurait été la même sans ce festival et ce titre  »I’m Going Home » ?

Ric : Il y a plusieurs facettes à cette question ! Je pense que sans Woodstock on serait probablement arrivé sur le devant de la scène deux ans plus tard. Aux Etats-Unis on remplissait des salles de cinq mille personnes environ. Si on jouait avec des groupes comme The Mothers Of Invention, Blood Sweat & Tears, et tous ceux qui avaient plus de succès médiatique que nous, on pouvait jouer devant dix mille personnes lors d’un concert en salle. Grâce à Woodstock et surtout au film de cet évènement qui est sorti un an plus tard, on a été propulsé sur la scène mondiale. Lorsque nous avons joué au Japon, au Madison Square Garden, ou dans ce genre d’endroit, nous sommes vraiment passés au niveau supérieur. Par rapport à  »I’m Going Home », on a toujours eu des avis mitigés. Je crois qu’on a fait que 6 morceaux pendant ce concert, et il y avait ce titre  »I Can’t Keep From Crying » qui était une longue improvisation. Il a été écrit par Al Kooper, on l’a joué et il a fini par durer 15 minutes ! Mais je pense qu’à Woodstock c’était moins long vu qu’on avait un set d’une heure, comme aujourd’hui. Alvin a toujours pensé que le morceau serait plus représentatif que  »I’m Going Home ». Donc c’est difficile à dire. Et je ne peux pas nier l’énorme succès de  »I’m Going Home », c’est aussi ce que les gens veulent entendre donc c’est pour ça qu’on continue à le jouer.

– Qu’est-ce qui vous motive pour continuer à monter sur scène, et êtes-vous toujours aussi heureux de le faire ?

Ric : En fait c’est la période la plus heureuse pour le groupe, parce qu’il y avait toujours beaucoup de tensions avec Alvin et Leo. Je devais souvent me mettre entre eux deux et ça devenait fatiguant et pesant. Et puis c’est difficile de monter sur scène et de ne pas savoir comment chacun va se comporter Le lineup actuel est idéal avec Marcus et Collin, donc c’est vraiment la meilleure période pour Chick et moi.

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– Comment choisissez-vous les titres que vous jouez en concerts ? Pourquoi privilégier un titre plutôt qu’un autre ?

Marcus : Je suis dans le groupe depuis deux ans et la setlist est nouvelle par rapport à ce que le groupe faisait avant. Quand j’ai rejoint le groupe, Ric m’a envoyé une vingtaine de morceaux appréciés par les fans. Il leur a demandé les titres qu’ils aimeraient entendre en priorité, et beaucoup ont répondu  »pourquoi vous ne jouez pas ce morceau plus souvent ? ». Il y en avait tellement que les gens voulaient entendre qui n’avaient pas été joués sur scène depuis très longtemps ou même jamais, comme  »I Said Yeah ». Quand je suis arrivé pour les premières répétitions je me suis dit  »bon, les autres vont me dire si je joue ça bien ou pas », on a commencé le morceau, ce n’était pas génial et ils ont dit  »je crois qu’on n’a jamais joué ce morceau, à part quand on l’a enregistré ! ». Donc c’était nouveau pour tout le monde, et c’était assez cool ! C’est pour ça que la setlist est comme elle est. Si on regarde le nombre d’albums que Ten Years After a enregistré au fil des années, il y a beaucoup de morceaux. Comment peut-on choisir 15 titres sur 5 ou 6 albums, en ajoutant les reprises qu’ils faisaient et que le public adorait ? Donc c’est un peu un compromis entre tout ça.

Ric : On joue toujours les classiques comme le solo de Chick et  »Hear Me Calling », on ne peut pas ne pas les faire.  »Love Like A Man » est très demandé en Europe alors on ne peut pas ne pas la faire. C’est pareil pour  »I’d Love To Change The World » en Amérique.

Marcus :  »Goodmorning Little Schoolgirl » aussi. La setlist se fait un peu toute seule, certains morceaux doivent y être.

Ric : On ne peut pas ne pas faire  »I’m Going Home » !

Marcus : Mais il y a aussi de la place pour d’autres titres alors c’est bien.

Ric : Aujourd’hui on a fait un concert d’une heure, d’habitude c’est deux heures alors il y a beaucoup plus de choses. On regarde dans les anciens albums et on y intègre de nouveaux titres.

Marcus : On pourrait même faire un album avec ces morceaux.

Ric : Oui c’est possible, mais en ce moment on travaille sur un nouvel album studio, on a écrit des morceaux donc on veut forcément les mettre en avant, surtout qu’il y a de bonnes choses dedans !

Marcus : Oui, de super morceaux !

– En parlant du nouvel album, comment se passe l’enregistrement ?

Marcus : Jusque là, Ric, Chick et Collin m’ont fait confiance pour gérer le nouvel album. J’ai le studio à Londres où on a eu la possibilité de travailler. Au début ce n’était pas facile parce que pour moi c’est très important qu’ils veuillent créer de nouveaux titres avec le nom Ten Years After. C’est l’une des choses que j’ai demandé en arrivant dans le groupe. J’adore Ten Years After, et tout ce que le groupe a fait avant que j’arrive, mais je me demandais si j’aurais l’occasion de créer de nouvelles choses. Et c’est ce que Ric a dit tout de suite. On a passé de très bons moments à écrire le nouvel album ensemble.

Ric : Comme je vis au nord de l’Angleterre, je suis allé à Londres, on a fait quelques morceaux en quelques jours et puis Chick a fait pareil, et Collin aussi. Marcus accorde le tout, et en plus c’est lui qui chante donc il doit être à l’aise avec les paroles. Mais ça fonctionne bien, pour moi en tous cas.

Marcus : En fait l’album est presque fini, il reste à peu près une semaine et demie de travail. Chick viendra faire le clavier la semaine prochaine et après le mixage ça sera terminé. J’ai beaucoup d’amis à Londres qui sont très contents de cette idée d’un nouvel album de Ten Years After. Tous mes amis sont comme moi, on a grandi en écoutant du vieux Rock’N’Roll, alors ils sont super contents de me voir jouer avec Ten Years After. Je réalise un rêve en fait, c’est super ! Et les nouveaux morceaux sont très intéressants parce que j’ai écrit avec des gens qui ont vécu beaucoup de choses. Quand je m’assois et que j’écris un morceau avec des gens plus jeunes, on a parfois du mal a trouver un concept. Avec eux, il y a trop de concepts parce qu’ils ont fait tellement de choses ! Je ne sais pas le quel choisir parce qu’ils ont tous eu beaucoup d’expériences et toutes peuvent faire des morceaux intéressants. Du coup sur l’album il y a un titre sur le divorce, un titre sur la solitude, un titre en rapport avec le père de Collin qui était chauffeur de train, des titres sur Chick et ses exploits quand il suivait des femmes partout dans le monde ! (J’espère qu’il ne le prendra pas mal !).

Ric : Je suis arrivé à Londres un jour et il m’a demandé si j’avais des idées. J’ai répondu  »pas vraiment », et il m’a demandé ce que j’avais fait. J’ai dit que j’avais passé beaucoup de temps dans des trains et des bus, et on a tout de suite eu une histoire. C’est un peu autobiographique mais c’est comme ça qu’on fait.

Marcus : Et le morceau dont on parlait,  »Stand Alone », a des sonorités qui rappellent les débuts de Ten Years After. Je pense que c’est très important parce que c’est l’identité du groupe.

Ric (à Marcus) : Tu as été super avec ça, parce qu’il y a certains riffs qui me rappellent Alvin, c’est impressionnant.

Marcus : La musique doit être basée là-dessus parce que ça fait partie de ce que les gens attendent de Ten Years After. Mais il y a aussi d’autres influences qui rendent la musique très intéressante.

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– Justement, comment avez-vous fait pour garder l’état d’esprit des débuts du groupe tout en intégrant de nouveaux musiciens ?

Ric : Il y a toujours eu au moins 2 membres d’origine dans le groupe, et avec le lineup précédent il y en avait 3. Mais pour moi certaines choses ont été mises de côté avec la manière dont Leo voyait le groupe. Chick et moi étions en retrait et je pense que c’était une erreur. Au début, vers le troisième album, je crois que je me dirigeais vers autre chose. Comme Dave Brubeck, et Chick aimaient beaucoup Oscar Peterson et Jimmy Smith, ces influences étaient intégrées dans Ten Years After. Notre tout premier album « Ten Years After » était un set de concert qu’on avait préparé dans une chambre d’hôtel à Londres. Le deuxième album était un live parce nous étions dans l’obligation d’en sortir un nouveau rapidement avant de partir en tournée en Amérique et que l’album studio sur lequel on travaillait n’était vraiment pas prêt. Il n’y avait que 3 ou 4 titres différents du premier album. Donc on s’est demandé ce qu’on devait faire après, comment composer des morceaux différents. J’avais mes influences et Chick les siennes et je voulais créer quelque chose qui changeait. Je pense que nos influences étaient importantes et qu’elles se sont perdues avec Joe et Leo. Joe voulait être le seul à composer donc on était un peu exclus. Mais depuis on a retrouvé ce qui nous manquait, on apporte tous nos idées, et l’influence de Collin et Marcus est fantastique.

Marcus : Personnellement j’ai grandi en écoutant cette musique, j’ai eu de la chance. Je suis né au début des années 80 mais mon père ne me faisait écouter que de la musique des années 60, parce que c’est ce qu’il aimait. Et quand Ric m’a demandé de jouer avec eux ça m’a semblé naturel, je me suis dit  »super, c’est la musique avec laquelle j’ai grandi ! ». Et j’étais connu pour être le jeune musicien qui jouait du Rock’N’Roll anglais de cette période. Du coup j’ai pensé que je pouvais faire quelque chose de bien en connaissant le passé du groupe. Je ne peux pas jouer comme Alvin et je ne veux pas l’imiter, parce qu’il était unique, et on en a discuté quand je suis arrivé. Mais j’ai l’impression que si on regardait la collection de disques d’Alvin Lee et la mienne, on retrouverait beaucoup d’influences similaires. On fait juste les choses différement et à 40 ans d’écart ! C’était un réel innovateur et j’apprends des guitaristes que j’écoute, alors c’est vraiment bien pour moi.

Ric : Joe (Joe Gooch a remplacé Alvin Lee en 2003 et quitté TYA en 2014 ndr) m’avait demandé s’il devait copier Alvin, j’avais répondu  »surtout pas ! ». Il faut rester soi-même. On ne veut pas d’un musicien qui joue comme Alvin, on veut quelqu’un qui a sa propre personnalité mais qui peut garder l’esprit des débuts du groupe, et Marcus est très doué pour ça !

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– Comment pouvez-vous expliquer le fait que le public se soit renouvelé au fil des années et que votre musique touche plusieurs générations ?

Ric : En Allemagne c’est assez facile. Je ne l’ai pas trop vu dans les autres pays mais là-bas beaucoup de parents viennent aux concerts avec leurs enfants à partir de 10 ans environ. Quand on signe des autographes après les concerts ils me disent  »c’est mon fils » ou  »c’est ma fille »,  »vous êtes mon groupe préféré alors je les ai ammenés parce qu’ils me demandent ce que vous avez de si spécial, maintenant ils ont vu ! ». Et je demande aux enfants si ça leur a plu et ils me disent  »c’était génial ! »,  »super ! » ou  »on ne savait pas ce que nos parents aiment alors on était pas sûrs d’aimer ! » mais ça leur plait. C’est très marquant en Allemagne, mais en France je ne sais pas.

Marcus : Aujourd’hui c’était très varié, un public de tout âge.

Ric : C’est vrai. Depuis le début avec Alvin on n’avait joué qu’à Paris et un concert à Nice je crois, mais on n’avait jamais fait de tournée française ni fait de festivals comme celui-ci. Et d’après ce que j’ai compris quelqu’un a dit une fois que Pink Floyd et Ten Years After étaient plus appréciés en France que les Beatles.Je n’en suis pas sûr vu qu’on n’avait pas beaucoup joué en France, mais depuis qu’on fait des tournées ici – et même avant que Marcus soit avec nous – il y a beaucoup de jeunes qui viennent aux concerts. C’est peut-être grâce à internet, youtube, ce genre de choses.

Marcus : Il y a quelques mois, Chick a dit que lorsqu’on joue  »Change The World », il voit des jeunes chanter les paroles et il dit que ça le touche parce que quand ils ont écrit le morceau, ils n’ont pas réalisé l’impact qu’il pourrait avoir.

Ric : Et c’est impressionnant, les paroles ont toujours de la valeur aujourd’hui.

Marcus : Tout a fait, et c’est pour ça que ça m’a aussi touché de le chanter aujourd’hui. Quand ils ont créé cette musique, ils ne faisaient rien d’autre que composer et faire ce qui leur plaisaient. Et si quelqu’un comme moi écoute cette musique 30 ans après et se dit  »c’est trop bien », beaucoup d’autres se disent la même chose et ça va continuer. Donc je pense qu’il y aura toujours un public jeune pour les groupes de l’époque de Ten Years After parce qu’il y a quelque chose de spécial dans la musique qu’on ne peut pas expliquer.

Ric : C’est unique. Et quand les gens viennent aux séances de dédicaces et disent  »merci beaucoup d’être là » je réponds toujours  »on ne peut pas le faire sans vous, alors merci à vous d’être là ».

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– Vous avez effectué de nombreuses tournées mondiales, y a t-il encore un pays où vous n’avez jamais joué et où vous aimeriez aller ?

Ric : J’aimerai beaucoup aller en Australie et en Nouvelle Zélande. L’Inde serait bien aussi. On a eu une proposition pour jouer là-bas il y a 3 ans mais on n’a pas pu y aller parce que c’était trop loin.

Marcus : Le problème c’est que les endroits où on aimerait jouer sont les endroits qu’on aimerait découvrir. Mais quand on y est, on n’a jamais vraiment la chance de visiter. On arrive, on fait le concert, et on repart. Et quand les gens nous demandent comment c’était, on répond  »Je ne sais pas, je peux te dire comment étaient l’aéroport, l’hôtel, la salle de concert et le bar où on a pris un verre après, mais c’est tout ». On n’a pas assez de temps pour voir le reste.

Ric : Quand on est allé aux Etats-Unis on est resté 3 jours dans la même ville parce qu’on faisait 3 concerts au même endroit, alors on a eu le temps de sortir et c’était vraiment bien. Sinon j’aimerai bien aller en Chine aussi.

Marcus : Oui ça serait intéressant. C’est ce qu’il y a de mieux avec la musique, ça nous emmène dans beaucoup d’endroits. J’aimerai bien aller en Amérique du Sud aussi, je n’y suis jamais allé et ça m’a toujours fasciné.

Ric : Oui j’allais justement dire que j’aimerai bien y retourner, on avait joué au Brésil et au Chili et j’avais vraiment apprécié.

– Y a t-il une date de prévue pour la sortie du nouvel album ?

Ric : Comme Marcus l’a dit, l’album sera terminé la semaine prochaine ou dans les 10 jours qui viennent. Après il faut qu’on s’occupe de la pochette.

Marcus : Oui mais il sera sorti pour la tournée qui commence en octobre.

Ric : Oui on va être assez occupés en Europe et peut-être en Amérique. Il faut aussi qu’on s’occupe de la presse pour que les articles paraissent au bon moment.

Marcus : Par contre on a le titre de l’album.

Ric : On veut l’appeler « Sting In The Tale’‘, avec  »Tale » qui veut dire  »histoire » et pas l’expression habituelle avec  »Sting in the tail ».

Marcus : On essaye d’être brillants avec ce jeu de mots !

– Pour terminer, avez-vous un message pour vos fans français ?

Marcus : On vous aime tous, vraiment !

Ric : Oui, on est très bien en France. J’ai un très bon souvenir de notre concert au Trianon à Paris, la salle était très bien, le son aussi.

Marcus : C’est un très bel endroit où jouer, et le meilleur concert qu’on ait fait en France. Et le public avait beaucoup d’énergie.

Ric : Et quand on a rencontré les fans après ils étaient tous heureux, rien ne peut égaler ça.

Marcus : J’ai eu beaucoup de bons moments depuis que je suis dans le groupe et certains de mes meilleurs concerts étaient en France. La nourriture est délicieuse aussi ! On a vraiment beaucoup de chance parce que peu importe l’endroit où on joue, on a toujours un très bon public. Collin m’a dit aujourd’hui qu’il n’avait jamais eu l’occasion de beaucoup jouer en France et qu’il passe de très bons moments. Donc voilà, merci à la France, et ce festival était super !

tya-sandrine

Remerciements à l’organisation du Festival Retro C Trop (Ginger, Ludovic Bocquet) pour avoir rendu possible cet entretien.

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