Interview Pat O’May

Publié : 29 avril 2016 par Alain B. dans Interviews, Musique
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Entretion avec Pat O’May réalisé par Marie-France BOUCLY lors du Raismesfest 2015

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– Nous nous sommes rencontrés en avril 2014 à Callac lors d’un concert ou tu étais à l’affiche avec Pat McManus. Quelle a été ton actualité depuis plus d’un an?

Il y a eu beaucoup de choses ! J’ai sorti un nouvel album en décembre 2014. Juste après le concert avec Pat McManus, je suis allé m’isoler dans un gîte pendant un mois et demi pour écrire cet album qui s’appelle « Behind The Pics ».  L’enregistrement s’est déroulé de juillet à septembre, avant d’aller à Londres pour le masteriser, aux studios « Abbey Road ». J’ai eu envie de faire quelque chose de différent sur cet album, avec l’idée de changer de line up. Christophe Rossini est le nouveau batteur.

Après j’ai demandé à mon pote Jonathan Noyce, ex bassiste de Gary Moore et Jethro Tull, que j’ai rencontré grâce à Martin Barre. Je souhaitais vraiment avoir le son de Jonathan, avec lequel j’avais déjà collaboré dans le groupe de Martin Barre. Cela m’a donné l’envie de poursuivre le travail ensemble, facilité par le fait d’avoir beaucoup de choses en commun, un peu comme 2 frères !

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– Avec le recul, comment l’album « Behind The Pics » a-t’il été accueilli et comment le situerais-tu par rapport aux précédents ? Es-ce que les retours ont été conformes à tes attentes?

Honnêtement, je n’ai pas d’attentes particulières. Un album, c’est juste proposer une musique. Bien sur, avec le temps, j’ai essayé de créer un univers. Mais je ne veux pas m’enfermer à l’intérieur de celui-ci, ça peut énormément bouger!

Entre « Celtic Wings » et « Behind The Pics », même si il y a des ponts, il y a aussi des choses complètement différentes. « Behind The Pics » a des atmosphères Rock Prog que n’avait pas du tout son prédécesseur, ni les autres albums. L’idée, c’est d’évoluer en explorant des thèmes différents, tout en essayant de garder une trame. A chaque fois que je sors un album, c’est simplement une proposition. Au moment ou je le fais, je me dis que je vais rencontrer un nouveau public, mais que je vais perdre une partie de celui qui a aimé l’album précédent.

Bien sûr il y a des groupes qui font tout le temps un peu le même album, cela n’est pas un problème et je trouve ça très bien. Mais cela n’est pas mon propos. Je préfère essayer de bouger, de me pousser au cul, de sortir de la routine.

Mais ça n’est pas du tout une critique par rapport à ceux qui restent dans un style.

Si ils ont trouvé leur voie et qu’ils se sentent à l’aise là dedans, c’est super !

Je suis une « éponge » ! J’écoute des trucs qui m’influencent et me donnent envie d’aller vers ce que je ne connais pas.

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– Comment as-tu procédé pour l’enregistrement, et d’une manière générale, ou trouves-tu les sources d’inspiration?

Je trouve surtout mes sources d’inspiration lors des rencontres avec les gens, des voyages, des lectures… Mais certainement pas uniquement dans la guitare. Pour moi les influences sont des outils et rien d’autre. Après, on a la chance d’avoir des outils très bien faits, qui permettent de nous exprimer de mieux en mieux et de répondre à nos attentes.

J’ai de temps en temps l’occasion d’animer des masterclass, et la première chose que je fais, c’est de poser la guitare sur une table ou sur un tabouret, et de la regarder pendant une ou deux minutes. ça ne raconte rien ce « machin », cela n’a rien à dire ! Quand on prend l’instrument et que l’on commence à jouer, ça n’est pas l’instrument qui raconte quelque chose, c’est toi. Donc la guitare est juste une interface qui te permet de communiquer, c’est le pinceau du peintre.

– Si tu devais définir ta musique en 3 mots quels seraient ils?

Elle est indéfinissable ! (rires)

Par exemple chez les disquaires, ou le peu qu’il en reste malheureusement, ils ont du mal pour savoir dans quel bac mettre l’album, car c’est un mélange de plein de choses et ils sont bien embêtés…

Je vais prendre par exemple le monde du métal, comme une famille. Je ne fais pas de métal, par contre, j’utilise les codes du métal, principalement dans le son. C’est la même chose avec la musique celtique. Je ne fais pas de musique celtique, mais j’en utilise les codes en les mélangeant avec ceux du métal. Et je vais chercher les codes du Rock Prog pour les mélanger avec tout ça. C’est là tout le sens du travail réalisé autour de ça, avec la projection de la vision que j’ai du monde. Nous sommes tous différents et pour cela que ça va finir par marcher. Cela va être long, compliqué, mais la seule issue, c’est d’aller vers l’autre, aller vers ce que l’on ne connait pas, se bousculer, se mélanger…

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– Quel album conseillerais-tu pour découvrir l’univers de Pat O’May et pourquoi?

Le dernier ! Tu sais, en musique, les mélomanes, fans ou autres personnes qui écoutent, ont souvent le syndrome du « premier album c’est le meilleur » ! Et c’est faux… Le premier album, c’est juste un premier album et le deuxième album juste un deuxième album et le troisième…. A chaque fois tu essaies de progresser, aussi, comment peux-tu dire que le premier album, qui est loin d’être abouti, est le meilleur ? En même temps, je comprend très bien les gens qui tiennent ce discours là. Parce que cela correspond à une découverte, à un moment de leur vie, de nostalgie et c’est bien car il n’y a aucune règle. Je peux concevoir le disque exceptionnel d’un groupe, très inspiré qui va marquer sa carrière, mais chaque groupe qui sort un album essaie de faire mieux qu’avant, donc le meilleur c’est toujours le dernier !

– Peux-tu nous présenter le line up actuel, avec un petit historique de chaque musicien?

Deux musiciens ont été remplacés ce soir, car l’annonce du Raismesfest a été faite trop tardivement pour qu’ils puissent se libérer, étant engagés dans leurs groupes respectifs. Donc le line up officiel, c’est Christophe Babin à la basse que j’ai rencontré il y a plus de 20 ans  et a fait partie du groupe sur la tournée de l’album « Kids & The War ». J’avais besoin d’un nouveau bassiste pour la tournée, Jonathan Noyce qui joue sur l’album n’étant pas toujours disponible, occupé par ses projets et son groupe « Archive ». Je voulais vraiment que Christophe revienne et il a eu la gentillesse d’accepter.  A la batterie c’est Christophe Rossini, que j’ai rencontré sur différentes scènes ou lors de festivals, notamment lorsqu’il jouait avec Merzhin. Nous avons bien accroché humainement et musicalement, d’autant que sur l’album,  je souhaitais avoir un batteur avec un jeu plus actuel.

Le quatrième larron est James Wood que j’ai rencontré sur les Opéras Rock « Excalibur » et « Anne de Bretagne ».

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– Quels sont les guitaristes qui t’ont le plus marqué et pour quelles raisons?

La liste est très longue ! Le premier qui me vient à l’esprit, c’est Richie Blackmore, avec Deep Purple et encore plus avec Rainbow. C’est en écoutant Deep Purple et « Machine Head » que je me suis dit: ‘c’est ça que j’ai envie de faire!’ Depuis j’essaie !

C’est vraiment le guitariste qui m’a fait mettre le pied à l’étrier, même si je ne l’ai jamais rencontré. Après, il y a des gens comme Jeff Beck et Steve Vai qui sont incontournables, représentants la synthèse parfaite entre la technique et l’émotion.

Il y a aussi David Howell Evans dit « The Edge » de U2, qui m’a influencé. Sans être un technicien, ce mec est aussi important et a amené autant de choses qu’Eddie Van Halen par exemple, mais sur d’autres sujets. David Gilmour et Al Di Meola ont aussi été très importants pour moi, mais la liste est tellement longue !

– Ce sont les mêmes qui t’ont influencés?

Bien sur, ils font partie de mes influences !

– Tu as partagé la scène avec Pat McManus plusieurs fois au cours de ces 2 dernières années. Comment cela s’est il passé et quel souvenir en gardes-tu?

Déjà on a un point commun, car il est né en Irlande et j’ai des racines irlandaises. C’est un type adorable qui a un talent de fou. C’est juste quelqu’un de bien ! je connaissait son travail et nous nous sommes rencontrés lors d’une tournée avec Uli Jon Roth. Pat est à l’affût de tout ce qui touche à la guitare et il savait également ce que je faisait. C’est une personne très ouverte, à l’écoute de ce qui se passe dans le milieu musical, sur la guitare, la musique irlandaise. Nous avons donc fait une première date ensemble à Callac (Côtes d’Armor), puis monté une tournée. C’est sur que l’on va forcément remettre le couvert ! Au delà de l’amitié qui nous lie, nos sensibilités musicales sont très proches. Nous passons des moments extraordinaires ensemble, avec ses musiciens qui sont des types super, sans oublier Sallie qui est géniale. Ce sont juste des personnes formidables!

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– Quels sont tes projets d’enregistrement et scéniques ?

Nous sommes entrain de programmer une tournée pour le printemps, et je suis également sur un projet de musique de film qui va m’occuper plusieurs mois. La maison de disque « Keltia Musique », pour laquelle je travaille, m’a commandé des arrangements pour des musiques celtiques avec un orchestre symphonique, que l’on va tourner à Sofia, comme le dernier album. Il y a toujours les compositions pour Thalassa, plus des documentaires fictions à réaliser.

– Penses-tu à nouveau participer à des opéras rock comme « Excalibur » ou « Anne de Bretagne », et comment as-tu vécu ces expériences ?

Pourquoi pas, si on me le propose !

Nous avons aussi des projets en tête avec Martin Barre dans les années à venir. Je suis vraiment prêt à toutes les expériences, j’adore ça ! Si je pense que je peux apporter quelque chose, je dis « oui » facilement.

C’est juste d’essayer d’être à sa place, et essayer dans la mesure du possible, de ne pas commettre d’impair. Il faut qu’il y ait de la profondeur d’âme !

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– Tu es originaire de Rouen, et lors de tes débuts tu as intégré Marienthal , groupe de hard rock devenu mythique pour les connaisseurs. As-tu déjà  pensé à une reformation, ne serais-ce que pour un concert unique?

Nous sommes entrain d’en parler, car il y a plusieurs maisons de disques qui nous proposent de rééditer l’album. Suite à cela, il faudra faire un concert, et il ne pourra avoir lieu qu’à Rouen et pas ailleurs, juste pour passer du bon temps et remercier les fans qui nous ont supporté quand on a commencé. Mais c’est aussi grâce à eux que l’on a eu l’opportunité de faire ce métier là et l’envie de continuer au delà de Marienthal.

– Es-ce que tu vis de ta musique ?

Honnêtement, j’ai la chance d’en vivre depuis plus de 25 ans !

– Tu as joué avec Martin Barre, l’ancien guitariste de Jethro Tull. Que penses-tu de ce guitariste et as-tu une message à lui transmettre, car nous allons le voir dans 5 semaines à Leffrinckoucke.

Oui, j’ai vu ça ! Déjà, tu lui fait un immense bisou de ma part !

Nous nous téléphonons régulièrement !

Nous avons travaillé ensemble pendant 3 ans, lors de 3 tournées européennes dans son groupe. C’était génial, car j’avais l’impression que c’était masterclass tous les jours. Martin avait cette phrase qu’il disait souvent en interview à propos de nous 2: « On a plein de choses en commun et on a plein de choses qui ne sont pas en commun, qui sont très bien pour les choses que l’on a en commun ! » (rires). Et c’est tellement vrai !

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– Question classique: Quel est à ce jour le plus grand moment de ta carrière ?

C’est une question difficile, il y en a tellement ! J’ai des grand souvenirs avec « Excalibur » en Allemagne, sur scène avec Martin, et notamment d’un morceau ou il n’y avait pas de solo à jouer, juste de la rythmique. Nous piaffons comme des gamins juste pour faire un accord « cling », et à ce moment là, notre son était juste hallucinant, comme poussé au cul par un ampli… Comme si on décollait de 2 mètres, et c’était juste 1 accord ! (rires!).

– Pour finir, as tu un message pour le public Français et à tes fans ?

Continuez le plus longtemps possible à découvrir des musiques pas forcément faciles à écouter, qui sont en dehors des modes. Quand on regarde bien, tous les groupes qui ont fait des carrières de malades, ceux que l’on adore étaient hors normes. Ce sont eux qui sont restés. Ceux qui durent ont une vraie personnalité, ont cherché à innover, se posent des questions et travaillent dans ce sens là. La liste est longue avec Peter Gabriel, Jeff Beck, Steve Vai, Rammstein, U2… Personne ne faisait ça à l’époque. Le groupe Islandais qui a joué ce soir était fantastique, ça m’a carrément bluffé ! (ndr: The Vintage Caravan)

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Merci à Roger Wessier et à l’organisation du Raismesfest pour avoir rendu cette interview possible.

                                                           Entretien & Réalisation: Marie-France BOUCLY

                                                           Photos: © 2015 Alain BOUCLY